–
KIFOULI DOSSOU Écoutez l’histoire ! Xwénouhô Nougnouin
Atlantic est heureux de présenter « Écoutez l’histoire ! Xwénouhô Nougnouin » , une exposition d’œuvres de Kifouli Dossou. Sculpteur de masques Guèlèdé depuis l’âge de 8 ans, il en est devenu le créateur le plus doué et inventif. Avec lui, plus qu’aucun autre, le sacré a accepté le profane, le spirituel s’est allié au réel. Et un art patrimonial est devenu art contemporain.
Le Guèlèdé est un culte yoruba séculaire, toujours célébré dans certaines parties du Bénin et inscrit au patrimoine immatériel de l’humanité par l’UNESCO. Au cours de cérémonies qui marquent des temps forts (mariages, naissances, décès, festivités annuelles), organisées la nuit ou le jour, ces masques sortent des couvents familiaux et sont portés par les initiés pour des danses et chants rituels. C’est une société secrète où, cas unique, les femmes ont un rôle actif. Le Guèlèdé représente un visage féminin à l’esthétique yoruba, yeux en amande et scarifications, surmonté de sculptures plus ou moins complexes qui représentent des animaux, des personnages moquant un clan rival, et, c’est plus récent, des scènes de la vie quotidienne ou des préoccupations de la communauté afin de sensibiliser, d’éduquer.
Kifouli Dossou connaît bien cette tradition. Né en 1976 à Covè, il vit et travaille dans cette petite ville, où le culte Guèlèdé perdure. L’odeur du bois taquine les narines du visiteur qui entre dans la cour de sa maison alors que son fils aîné, en vacances, ponce un masque en devenir. Voilà la nouvelle génération en apprentissage. Chez les Dossou, tout est transmission : le père sculptait des jouets, l’oncle des Guèlèdé, le grand frère Amidou aussi (NB : Cet artiste talentueux, disparu en 2013, participa à l’exposition-événement Magiciens de la Terre en 1989 à Paris). Aujourd’hui, Kifouli Dossou sublime et transcende l’héritage. Par la finesse du geste, le génie de la main, ces dix doigts capables de faire naître d’un morceau de bois, de la masse d’un tronc des pièces minutieusement travaillées, ciselées. D’abord saisi par le réalisme, la beauté, le sens du détail, l’humour, on en oublie presque la performance sculpturale. Mais il n’est pas qu’un technicien horspair : il modernise les représentations, il innove, il s’affranchit aussi de certaines conventions.
Ainsi, il s’autorise à créer des « epa », d’imposants masques colonnes, sans les doter de l’habituel personnage central à cheval. Les siens portent des récits et transmettent des enseignements. C’est le cas des deux pièces majestueuses inspirées par la ville de Ouidah et réalisées pour l’exposition. Avec « cultivons l’intelligence », il observe le marché Kpassé, principal lieu d’échanges de Ouidah (ancien comptoir d’exportation de l’huile de palme et sinistrement, d’êtres humains lors de la traite négrière). Vendeuses, acheteurs et voleurs, tous se mêlent et s’emmêlent chacun à sa place ! Kifouli Dossou traite aussi de la tolérance religieuse de la cité, souvent montrée en exemple. Le temple des Pythons, sanctuaire vodoun dédié à cet animal sacré, fait face à la basilique de l’Immaculée-Conception parce que les adeptes ont accueilli les missionnaires et leur ont offerts le terrain. L’histoire retient qu’ils ont même aidé à la construction de l’édifice. Mais l’artiste prend soin de placer les pythons à la base de l’« epa ». Comme pour signifier que la spiritualité des ancêtres est fondatrice.
Ses œuvres font partie des collections de la Fondation Zinsou, de la Fondation Pigozzi, entre autres. L’exposition sera visible du samedi 3 juin au dimanche 27 août 2023.
Kifouli Dossou, Oiseaux, 2021, Bois Mélina sculpté dans la masse, 25 x 19 cm
Kifouli Dossou, Sans titre, 2022, Bois Mélina sculpté dans la masse, 101 x 15 x 14 cm
Kifouli Dossou, Les voleurs, 2023, Peinture à l’huile, 38 x 26 cm
Kifouli Dossou, Marché Kpassé, 2023, Bois Mélina sculpté dans la masse, 190 x 40 cm
Kifouli Dossou, Les études et le Palu, 2022, Peinture à l’huile, 45 x 26 cm
Kifouli Dossou, La Basilique et les pythons, 2018, Bois Mélina sculpté dans la masse, 182 x 50 cm
Kifouli Dossou, La forêt, 2023, Bois Mélina sculpté dans la masse, 70 x 35 cm
Kifouli Dossou, Le Fâ, 2018 Peinture à l’huile, 136 x 40 cm